Comprendre le cadre de la DPCD
Dans le troisième paragraphe du point 4.1 du document Communication de la Commission — Orientations concernant l’interprétation et l’application de la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales, on peut lire :
« La DPCD ne prévoit aucune règle spécifique relative aux allégations environnementales. »
Une affirmation qui peut prêter à confusion si l’on ne maîtrise pas le périmètre exact de la directive.
Concrètement, cela signifie que la DPCD :
- Ne contient aucun chapitre technique dédié aux allégations environnementales ;
- Ne propose aucune grille normative propre à l’écologie ;
- Ne définit pas de terminologie spécifique (tels que les termes “durable”, “neutre”, “bio”, etc.).
Cette absence de cadre technique a pu laisser croire, à tort, qu’en matière d’allégations environnementales, il n’existait ni règle ni interdiction explicite. Pourtant, la réalité juridique est toute autre.
Les allégations environnementales sont bel et bien encadrées par les articles 5 à 12 ainsi que par l’annexe I de la directive, qui énumèrent les pratiques commerciales trompeuses, déloyales ou interdites.
À ce titre, toute allégation est soumise à cinq exigences fondamentales :
- La véracité et l’exactitude des informations fournies ;
- La clarté et l’absence d’ambiguïté dans la formulation ;
- La disponibilité de preuves vérifiables ;
- La non-exagération des bénéfices environnementaux ;
- La pertinence réelle de l’allégation par rapport à l’impact du produit.
Dans les faits, les autorités européennes et nationales interprètent ces principes avec une rigueur accrue dès lors qu’il s’agit d’allégations environnementales. Cette exigence renforcée s’explique par plusieurs facteurs :
- Le caractère sensible et éthique des enjeux environnementaux (climat, pollution, biodiversité) ;
- La vulnérabilité du consommateur face aux promesses “vertes” ;
- Le poids de ces arguments dans les décisions d’achat.
L’essentiel à retenir :
La DPCD ne contient pas… |
…mais elle permet de sanctionner |
- De critères écologiques propres
|
- Toute allégation environnementale trompeuse
|
- Une liste de labels autorisés
|
- L’usage abusif ou flou de tout label
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- Une définition légale de “durable”
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- Toute formulation floue ou exagérée
|
- Un mode d’emploi sectoriel
|
- Toute pratique non conforme aux principes de loyauté, de clarté et de vérifiabilité de l’information
|
En clair, la DPCD laisse aux marques la liberté de s’exprimer, mais impose une obligation de justification. Il est donc possible d’affirmer qu’un produit est “durable”, à condition de pouvoir expliquer ce que cela signifie, de prouver que c’est vrai, et de le formuler de manière claire. C’est toute la subtilité du texte : la directive ne fixe pas de formulation obligatoire, mais toute allégation qui induit en erreur peut être sanctionnée comme pratique trompeuse.
Pour aider les marques à rester dans le cadre, huit grands principes issus de la DPCD permettent d’ancrer une communication environnementale à la fois conforme, loyale et opérationnelle. Ils forment une grille de vigilance à intégrer dans vos process de validation, de preuve et de diffusion.
Principe #1 - Toute allégation environnementale doit être vraie, spécifique, claire et non trompeuse.
Zoom sur la réglementation
Selon l'article 6 de la DPCD :
Une pratique commerciale est considérée comme trompeuse si elle contient des informations fausses ou, même en l’absence de fausseté, induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen, et l’amène à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.
Dans le cas des allégations environnementales, cela implique que :
- L’information ne doit pas contenir d’erreur factuelle (ex. : dire "zéro émission" si ce n’est pas mesuré).
- L’allégation ne doit pas être formulée de manière vague ou générale : elle doit être spécifique, contextualisée et compréhensible sans interprétation excessive.
- Elle doit être exacte quant à la portée et à l’objet : le produit concerné, l’étape du cycle de vie, le bénéfice réel...
La directive ajoute que même des formulations factuellement correctes peuvent être considérées comme trompeuses, dès lors qu’elles laissent croire à un impact positif exagéré, ou occultent d’autres aspects significatifs.
✓ Les bonnes pratiques attendues
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Employer des termes concrets et mesurables :
- « Contient 60 % de coton certifié biologique (GOTS) »
- « Consomme 30 % moins d’eau à l’étape de teinture, par rapport au modèle produit en 2022, selon les données transmises par notre fournisseur, consultables ici (en insérant un lien de renvoi vers les données fournisseurs). »
Toujours préciser le périmètre :
- « Fabriqué avec de l’électricité 100 % renouvelable (hors transport et finition) »
- « Biodégradable en compost industriel selon la norme EN 13432 », et préciser le cadre de la norme
Utiliser un langage accessible et neutre :
- Préférer : « réduction de 15 % des émissions CO₂ par rapport à la version 2023 »
- Éviter : « conscient », « respectueux », « bon pour la planète », « green »
Appuyer toute allégation sur des éléments quantifiés et précis, et mentionner la source :
- L’allégation repose-t-elle sur une étude interne, un audit externe, un test standardisé, une certification ? Pensez à toujours mentionner laquelle et sa durée de validité.
✗ Les cas fréquents de non-conformité
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Parler de "produit durable" sans préciser ce que cela signifie :
- La durabilité concerne-t-elle la durée de vie du produit, sa résistance, son impact environnemental ?
Employer "neutre en carbone" sans mentionner que cela repose sur des crédits compensatoires :
- Ni expliquer comment ils fonctionnent.
Utiliser une iconographie (arbre, globe vert, feuilles) qui crée une perception exagérée d’éco-responsabilité :
- Alors que l’impact global du produit est neutre ou négatif.
Communiquer sur un unique point positif en masquant les autres :
- Ex : % de matière recyclée incluse dans le produit, mais traitement chimique non contrôlé, transport long, etc.
Principe #2 - Toute allégation environnementale doit être étayée par des preuves solides, disponibles dès sa publication, et prêtes à être transmises aux autorités
Zoom sur la réglementation
L’article 12 de la directive DPCD stipule que :
“Les professionnels doivent disposer de preuves à l’appui de leurs allégations et être prêts, si l’allégation est contestée, à les fournir aux autorités de contrôle compétentes sous une forme compréhensible.”
Cela signifie concrètement que :
- La marque porte la charge de la preuve.
- Les preuves doivent être :
- En possession de la marque dès le moment où l’allégation est utilisée.
- Compréhensibles pour une autorité compétente (vous ne pouvez pas proposer uniquement un tableau technique ou un lien vers un site de fournisseur).
- Indépendantes : idéalement validées par une tierce partie (audit, test, certification, ACV...).
- Vérifiables et conservées à jour aussi longtemps que l’allégation est utilisée.
En l'absence de preuve suffisante, l'allégation peut être présumée trompeuse, même si elle est factuellement juste.
✓ Les bonnes pratiques attendues
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Préparer un dossier de preuves dès l’élaboration de l’allégation :
- Le périmètre couvert
- La méthode de calcul ou d’évaluation
- La date de mesure ou de certification
- Le nom du certificateur ou laboratoire
- Les éventuelles limites ou hypothèses
Utiliser des sources solides et reconnues (en précisant leur périmètre) :
- Tests selon normes ISO (14040, 14067, etc.)
- Audit de certification (GOTS, EU Ecolabel...)
- Étude de cycle de vie (ACV) avec rapport disponible
- Évaluations d’organismes publics ou tiers indépendants
Prévoir un stockage centralisé et durable de ces preuves :
- Conservez votre dossier produit dans votre solution de traçabilité ou votre PLM
- Assurez un accès facile pour les personnes en charge des services juridique, RSE ou marketing
Revoir périodiquement les preuves :
- Si l’allégation reste publiée sur le site, dans une brochure ou sur produit, la preuve doit toujours être valide.
- En cas de changement de production, fournisseur, procédé, elle doit être actualisée.
✗ Les cas fréquents de non-conformité
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- Présenter une allégation fondée sur une promesse fournisseur non vérifiée, et se contenter d’un e-mail ou d’un descriptif commercial.
- Utiliser un fichier Excel non signé ou non horodaté comme seule preuve d’une ACV ou d’un calcul d’impact environnemental, sans garantir l’intégrité, la méthode utilisée ou la traçabilité des données sources.
- Mentionner des performances environnementales spécifiques (type “biodégradable”, “bas carbone”, “respectueux du climat”) sans fournir de test, norme ou protocole associé, ni préciser les conditions de validation (compostabilité industrielle vs domestique, périmètre CO₂ mesuré, etc.).
- Publier un chiffre ou un engagement chiffré (“70 % d’émissions en moins”) sans indiquer la méthode de calcul, la base de comparaison, ni les hypothèses retenues.
Principe #3 - Toute allégation reposant sur un label, un logo ou une certification doit être transparente, justifiée et accompagnée d’informations accessibles et vérifiables.
Zoom sur la réglementation :
La DPCD considère que les labels, logos ou certifications utilisés dans un contexte environnemental constituent des allégations à part entière. Leur usage est acceptable uniquement si :
- Ils n’induisent pas en erreur le consommateur moyen sur la portée réelle du bénéfice environnemental.
- Le professionnel précise ce que couvre le label (ex. : matière, procédé, emballage…).
- Il est indiqué qui délivre la certification (organisme public ou privé, tiers indépendant ou non).
- Les critères d’attribution du label sont clairs, discriminants, publics et accessibles.
- Le label ou le symbole ne crée pas de confusion avec un système officiel s’il est privé.
- Le consommateur a un accès direct à l’information (ex. : via QR code, lien, infobulle) pour comprendre la signification et la portée du label.
La DPCD précise également que l’apposition d’un label ou d’un logo ne suffit pas à elle seule à prouver le bien-fondé d’une allégation : celle-ci doit toujours être explicitée.
✓ Les bonnes pratiques attendues
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Préciser systématiquement :
- Ce que couvre le label : matière première, étape de fabrication, produit entier ?
- Qui l’a délivré : autorité publique, organisme privé, auto-certification ?
- Quels sont les critères de validation : traçabilité, réduction d’impact, audit environnemental ?
- Si une vérification tierce a été effectuée, par qui et selon quelle méthode ?
Rendre l'information accessible :
- Fournir un lien direct vers la page détaillant les critères du label.
- Ajouter une mention explicite à proximité de l’allégation ou du logo (ex. : “Label valable uniquement sur la matière principale – hors finitions”).
- Éviter les acronymes ou symboles incompréhensibles sans décryptage (ex. : “certifié GRS” sans expliquer ce que cela signifie).
Garantir la lisibilité et la loyauté du message :
- Choisir des labels solides, reconnus (ex. : EU Ecolabel, Ange bleu, GOTS).
- Vérifier que les critères sont à jour, réellement discriminants et adaptés au produit concerné.
- S’abstenir d’utiliser des visuels pouvant être confondus avec un label officiel s’il ne l’est pas.
✗ Les cas fréquents de non-conformité
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Apposer un logo “GOTS” sur un produit fini alors que seule la fibre est certifiée, sans le préciser.
Mentionner “coton durable” ou “matière responsable” sans indiquer le système ou le référentiel utilisé, ni fournir de lien vers les critères associés.
Afficher un label privé inventé ou interne (ex. : “Eco approved” ou “Green Certified”) sans référentiel public, ni audit tiers, ni possibilité de vérification.
Utiliser des pictos verts, feuilles ou tampons visuellement proches de labels officiels, créant une confusion volontaire ou involontaire chez le consommateur.
Principe #4 - Toute allégation de neutralité carbone doit être rigoureusement fondée, expliquée et vérifiable, y compris en ce qui concerne les mécanismes de compensation.
Zoom sur la réglementation :
La DPCD précise que les allégations de neutralité carbone sont acceptables à condition de :
- Préciser la méthode : quelle part du cycle de vie est prise en compte ? (production ? transport ? usage ?)
- Distinguer les réductions effectives des mécanismes de compensation
- Justifier la qualité des crédits carbone utilisés : additionnalité, traçabilité, transparence, audit.
- Ne pas détourner la neutralité carbone pour masquer un manque d’effort de réduction directe.
✓ Les bonnes pratiques attendues
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Préciser la base de calcul :
- Quelles émissions sont mesurées ?
- Quelles émissions sont réduites ? Quelles émissions sont compensées ?
Fournir des informations compréhensibles sur :
- Le projet de compensation (type, lieu, méthode),
- La quantité d’émissions compensées,
- Le lien direct avec le produit.
Éviter toute généralité :
- Bannir les slogans vagues tels que : "neutre en carbone", "bon pour la planète",
- Préférer : "les émissions liées à la production textile sont compensées à hauteur de 30 % grâce à la mise en place du [projet X] certifié par le [label X]", et préciser le cadre du label.
✗ Les cas fréquents de non-conformité
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Revendiquer la neutralité carbone d’un produit ou d’une activité sans aucune explication sur la méthode de calcul, le périmètre couvert (scope 1, 2, 3 ?) ni distinction entre émissions réduites et émissions compensées.
Annoncer une compensation carbone directement sur le packaging ou dans un message publicitaire, sans mention du projet de compensation, de son niveau de certification, ni des étapes du cycle de vie concernées (production, transport, usage…).
Utiliser des crédits carbone “volontaires” issus de projets à faible intégrité environnementale (non additionnels, non vérifiés, ou difficilement traçables), sans transparence sur leur impact réel ni preuve d’audit externe.
Mettre en avant la compensation comme argument marketing central, alors qu’aucun effort significatif de réduction directe des émissions n’a été engagé sur la chaîne de valeur, ce qui revient à détourner la logique de neutralité carbone à des fins d’image, sans engagement structurel.
Principe #5 - Toute comparaison environnementale (par rapport à un autre produit ou une version ancienne du produit) doit être juste, cohérente, objectivement mesurée et vérifiable.
Zoom sur la réglementation
Selon la DPCD (et la directive 2006/114/CE sur la publicité comparative), une comparaison environnementale est acceptable à condition de respecter quatre exigences cumulatives :
1. Elle ne doit pas tromper le consommateur (conformément aux articles 6 et 7 de la DPCD).
Cela signifie qu’elle ne doit ni contenir d’information fausse, ni induire en erreur par omission, présentation floue ou effet de contraste trompeur.
2. Elle doit porter sur des produits ou services équivalents en usage et en fonction. Comparer un t-shirt en coton bio à un vêtement technique en polyester recyclé n’est pertinent que si les deux remplissent la même fonction pour le consommateur (ex. : vêtement de sport, sous-vêtement, etc.).
3. Elle doit s’appuyer sur des critères objectifs, vérifiables et représentatifs.
Cela implique que l’allégation comparative ne repose pas sur un avantage mineur ou marginal, mais sur un ou plusieurs impacts environnementaux significatifs, mesurés de manière transparente (émissions de CO₂, consommation d’eau, toxicité, etc.).
4. Elle doit être fondée sur une méthode d’évaluation cohérente et reproductible.
La même méthode (ex. : ACV, calcul d’empreinte carbone selon la norme ISO 14067) doit être utilisée pour les deux produits comparés, selon les mêmes hypothèses et le même périmètre (mêmes étapes du cycle de vie, mêmes données d’entrée, etc.).
Exemple : dire que votre jean est « plus vert que le jean X » est acceptable uniquement si :
- Les deux jeans sont comparables (ex. : jeans pour adultes en coton),
- La comparaison porte sur des critères significatifs (ex. : émissions de CO₂, consommation d’eau),
- Vous utilisez une méthodologie identique et traçable,
- Vous êtes en mesure de justifier cette affirmation par des preuves accessibles.
Une comparaison partielle, approximative ou construite sur des méthodes différentes est, au regard de la directive, potentiellement trompeuse et donc sanctionnable.
✓ Les bonnes pratiques attendues
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Mentionner clairement :
- À quoi se réfère la comparaison (produit, étape, impact),
- Le périmètre et la méthodologie utilisée (ex. : ACV, normes,…),
- La source de la donnée comparative (ex. : indépendante, interne,…).
Utiliser une formulation relative plutôt qu’absolue :
- Privilégier l’expression : "30 % de CO₂ en moins par rapport à notre version 2023"
- Éviter la formulation : "Le plus propre du marché"
Vérifier la reproductibilité :
- Toute comparaison doit pouvoir être reproduite (et auditée) avec les mêmes règles.
✗ Les cas fréquents de non-conformité
+
Effectuer une comparaison entre des produits non équivalents en termes d’usage ou de cible (par exemple, comparer une chaussure de ville avec une basket de sport, ou un jean enfant avec un pantalon adulte), ce qui fausse la perception de l’impact relatif.
Utiliser une méthode de mesure non cohérente ou non comparable entre les produits analysés Ex.: périmètre d’évaluation différent, données d’entrée hétérogènes, hypothèses non alignées, ou absence de transparence sur la méthode utilisée.
Formuler une comparaison environnementale sans être en mesure de fournir de preuve vérifiable ou accessible Ni publication, ni document de travail, ni résultat d’analyse tiers, ce qui rend toute vérification impossible pour le consommateur ou les autorités.
Fonder l’allégation comparative sur des données obsolètes ou non représentatives Par exemple en comparant un produit actuel avec une version concurrente qui n’est plus sur le marché, ou qui a été améliorée depuis, ce qui crée une illusion d’avantage non fondée.
Principe #6 - Toute allégation environnementale doit concerner un impact significatif et être évaluée à l’échelle du cycle de vie complet du produit.
Zoom sur la réglementation
La directive précise que les allégations doivent :
- Porter sur les impacts les plus importants du produit,
- Ne pas détourner l’attention du consommateur vers un bénéfice mineur,
- Prendre en compte l’ensemble du cycle de vie : sourcing, production, transport, usage, fin de vie.
Elle interdit notamment les transferts d’impact injustifiés : une amélioration sur un point ne peut pas masquer une aggravation ailleurs, sauf si l’impact environnemental net est objectivement amélioré (ex. via ACV).
Les industries polluantes doivent faire preuve d’encore plus de prudence : elles sont encouragées à utiliser des allégations relatives (ex : "moins nocif pour l’environnement") plutôt qu’absolues (ex : "respectueux de l’environnement").
✓ Les bonnes pratiques attendues
+
Mener une analyse de cycle de vie complète pour fonder les allégations majeures (réduction d’impact, bas carbone…).
Mentionner le périmètre concerné :
- Étapes prises en compte (matière ? confection ? transport ? emballage ?)
- Méthodologie utilisée (ACV, PEF, etc.)
Formuler l’allégation en cohérence avec le cycle de vie :
- Privilégier l’expression : "Produit fabriqué avec 40 % de polyester recyclé, non traçable sur l’ensemble du cycle de vie"
- Éviter la formulation : "Réduction nette de 15 % des émissions (scope 1 à 3 inclus)"
✗ Les cas fréquents de non-conformité
+
Présenter un produit comme "durable" en se fondant uniquement sur la présence d’un matériau perçu comme vertueux (ex. : coton biologique), sans prendre en compte la durabilité d’usage réelle (longévité, réparabilité, résistance, etc.), ni son impact à d’autres étapes du cycle de vie.
Mettre en avant un bénéfice environnemental isolé et marginal, comme une teinture sans eau ou un emballage recyclé, alors que le processus global reste fortement carboné ou peu vertueux, créant ainsi une perception biaisée de l’impact du produit.
Formuler une allégation fondée sur une intuition marketing ou une déclaration fournisseur, sans aucune analyse structurée du cycle de vie, ni quantification des impacts environnementaux sur l’ensemble de la chaîne de valeur (matières premières, fabrication, transport, usage, fin de vie).
Principe #7 - Toute forme de présentation visuelle (nom, couleur, image, symbole, logo) peut constituer une allégation environnementale et doit être évaluée comme telle.
Zoom sur la réglementation
La DPCD considère que :
- Une allégation peut être implicite et trompeuse, même sans mots.
- Des éléments comme le vert, des feuilles, des arbres, des animaux, ou des symboles naturels peuvent induire le consommateur en erreur s’ils ne sont pas justifiés.
- Les noms de produits ou marques ("Greenline", "EcoSoft", "Sustainable Series") utilisés dans un contexte marketing sont soumis aux mêmes règles qu’une allégation textuelle.
- Il en va de même pour les pictogrammes, les icônes, les logos graphiques, les tampons "bio", etc.
✓ Les bonnes pratiques attendues
+
Vérifier que chaque élément graphique utilisé dans un contexte environnemental (y compris sur site web, étiquettes, réseaux sociaux) est :
- Justifié par des preuves,
- Contextualisé par un texte explicatif à proximité,
- Proportionné à l’impact réel du produit.
Si un nom de marque ou de collection contient une connotation environnementale, il doit :
- Soit être justifié par l’ensemble des produits concernés,
- Soit être accompagné d’un disclaimer explicite.
✗ Les cas fréquents de non-conformité
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Utiliser des pictogrammes évocateurs (feuilles, arbres, planètes, gouttes d’eau, couleurs vertes) sans justification explicite, ni lien direct avec un impact mesuré, ce qui peut induire une perception exagérée de performance environnementale.
Donner à une collection un nom à connotation écologique (“Eco”, “Greenline”, “Nature”) alors qu’elle ne contient qu’une faible proportion de matière recyclée ou durable (ex. : 15 %), sans contextualisation ni précision sur le périmètre concerné.
Employer une couleur dominante verte ou un habillage “nature” sur une étiquette sans mention explicative associée (critères, portée, preuve), laissant penser à tort que le produit est globalement plus respectueux de l’environnement.
Principe #8 - Même en cas d’espace réduit, les allégations environnementales doivent rester compréhensibles et ne pas induire en erreur.
Zoom sur la réglementation
La directive reconnaît que certains supports (étiquettes, stories, pages produits, posts) offrent peu de place, mais cela ne dispense pas :
- D’être clair et précis,
- D’éviter les termes vagues sans explication immédiate,
- De rendre les infos complémentaires accessibles de manière simple (ex. QR code, lien direct, popup).
Il est considéré comme trompeur d’obliger le consommateur à cliquer plusieurs fois ou chercher ailleurs pour comprendre une allégation environnementale.
✓ Les bonnes pratiques attendues
+
Utiliser des outils adaptés à chaque support :
- Sur le packaging : privilégier un QR code renvoyant vers une explication détaillée,
- Sur les réseaux sociaux : diffuser un carousel avec des slides explicatives,
- En e-commerce : intégrer une infobulle sur les fiches produits ou un lien direct vers les détails nécessaires pour le consommateur.
Formuler l’allégation en y incluant les précisions nécessaires :
- Ex. : "Coton recyclé certifié : plus d’infos sur la méthode via QR code".
✗ Les cas fréquents de non-conformité
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Employer des termes à forte connotation environnementale comme “green”, “eco”, “bio” sur une étiquette produit, une fiche technique ou un emballage, sans aucun complément d’information, ni précision sur les critères ou le périmètre concernés.
Utiliser un nom de produit ou une URL optimisée pour le SEO (ex. : “eco hoodie”, “green capsule”) alors que la fiche produit elle-même ne contient aucune justification environnementale claire, ce qui crée un décalage trompeur entre l’intitulé et le contenu réel.
Publier un visuel publicitaire (affiche, bannière, post social media) mettant en avant une allégation environnementale (“responsable”, “éthique”, “neutre en carbone”) sans lien direct ou accès facile aux éléments justificatifs (ni infobulle, ni lien, ni référence cliquable).
Proposer un argument environnemental en contexte contraint (packaging, encart pub, réseaux sociaux) sans prévoir de dispositif de renvoi vers les détails (ex. : QR code, pop-up, lien explicatif à proximité), rendant l’allégation opaque ou incomplète pour le consommateur.
Principe #9 - En cas d’allégation trompeuse ou non justifiée, les autorités nationales ont le pouvoir de sanctionner, retirer les produits ou interdire la communication.
Zoom sur la réglementation
Selon l’article 12 de la DPCD :
- Les autorités nationales peuvent demander aux marques des preuves des allégations environnementales à tout moment.
- En cas de preuve jugée insuffisante, l’allégation est considérée comme fausse.
L’annexe I de la directive énumère des pratiques interdites en toutes circonstances, mais qui ne sont pas exhaustives quant à ce qui peut effectivement être sanctionné par les autorités :
- Faussement afficher un label ou une certification,
- Se prétendre adhérent à un code sans l’être,
- Présenter des droits légaux (ex. interdiction d’une substance) comme un bénéfice produit.
Ces pratiques peuvent entraîner :
- Le retrait ou la suspension d’un produit ou d’une campagne de communication,
- Une interdiction de diffuser une publicité,
- Une amende administrative décidée par une autorité nationale (comme la DGCCRF en France),
- Des poursuites civiles en cas de préjudice pour un concurrent ou un consommateur,
- Un dommage réputationnel important en cas de publication du nom de l’entreprise sanctionnée.
✓ Les bonnes pratiques attendues
+
- Maintenir un registre des preuves à jour, prêt à être transmis à la DGCCRF ou à une autorité européenne.
- Établir une procédure d’audit interne régulière des allégations et visuels publiés (produits, réseaux, newsletters…).
- Mettre en place une veille juridique sur les évolutions de la directive, les lignes directrices du CPC, et les jurisprudences nationales.
✗ Les cas fréquents de non-conformité
+
- Ne pas être en mesure de présenter les preuves documentées à l’appui d’une allégation environnementale dans un délai raisonnable à la suite d’un signalement, d’un contrôle de la DGCCRF ou d’une demande d’autorité compétente, même si les éléments existent en interne.
- Utiliser un label officiel sans autorisation, par exemple l’EU Ecolabel, le Cygne nordique ou l’Ange bleu, sans avoir obtenu la certification correspondante, ou en apposant le logo sur un produit non couvert par la licence, ce qui constitue une pratique interdite par l’annexe I de la DPCD.
- Mettre en avant, dans une campagne marketing, une obligation réglementaire présentée comme un engagement volontaire. Exemple : mentionner “sans substances interdites” ou “conforme REACH” comme un bénéfice produit, alors qu’il s’agit d’une exigence légale minimale, ce qui peut être considéré comme une pratique trompeuse au titre de l’article 6.2 de la directive.
Récapitulatif des points essentiels de la DPCD
Principe |
Bonnes pratiques attendues |
Cas fréquents de non-conformité |
Toute allégation doit être vraie, spécifique, claire et non trompeuse. |
- Utiliser des termes concrets et mesurables
- Préciser le périmètre couvert
- Employer un langage accessible et neutre
- Appuyer chaque allégation sur des éléments quantifiés et sourcés
|
- Parler de "produit durable" sans définir la durabilité
- Employer "neutre en carbone" sans explication
- Créer une perception exagérée avec une iconographie verte
- Mettre en avant un unique bénéfice en masquant les autres
|
Toute allégation doit être étayée par des preuves disponibles dès sa publication. |
- Préparer un dossier de preuves structuré et horodaté
- Utiliser des sources solides (ISO, ACV, audits, labels)
- Conserver les preuves dans un outil accessible
- Mettre à jour les preuves régulièrement
|
- Baser l’allégation sur une promesse fournisseur non vérifiée
- Fournir un fichier Excel non signé comme seule preuve
- Faire une allégation sans test, norme ou protocole associé
- Publier un chiffre sans méthode ou base comparative
|
Les labels, logos et certifications doivent être transparents, justifiés et vérifiables. |
- Préciser ce que couvre le label (matière, étape, produit…)
- Nommer l’organisme qui l’a délivré
- Rendre les critères accessibles (lien, QR code…)
- Choisir un label reconnu, distinctif et vérifiable
|
- Afficher un logo "GOTS" sans préciser que seule la fibre est certifiée
- Utiliser un label privé inventé sans référentiel public
- Employer des pictos proches de labels officiels
- Omettre les critères de validation du label utilisé
|
Toute allégation de neutralité carbone doit être rigoureuse, expliquée et vérifiable. |
- Préciser la base de calcul : émissions mesurées, réduites, compensées
- Expliquer le projet de compensation (type, lieu, méthode)
- Éviter les slogans vagues comme "neutre en carbone"
- Justifier la qualité et la certification des crédits carbone
|
- Revendication floue sans périmètre ni méthode de calcul
- Compensation mise en avant sans mention de projet ni certificat
- Utilisation de crédits carbone non traçables ou peu crédibles
- Utilisation de la compensation comme levier marketing central
|
Toute comparaison environnementale doit être juste, cohérente, mesurée et vérifiable. |
- Préciser ce que la comparaison mesure, selon quelle méthode
- Utiliser des produits équivalents et comparables
- Employer une formulation relative ("30 % de moins que...")
- Être en mesure de reproduire et prouver la comparaison
|
- Comparer des produits non équivalents
- Utiliser une méthode non cohérente ou non reproductible
- Faire une comparaison sans preuve ou publication
- Comparer à un produit obsolète ou non représentatif
|
Les allégations doivent porter sur des impacts significatifs à l’échelle du cycle de vie. |
- Fonder les allégations sur une analyse complète du cycle de vie
- Préciser les étapes concernées : matière, transport, usage, etc.
- Éviter les bénéfices marginaux ou isolés
|
- Basculer l’attention sur un avantage marginal
- Présenter un produit comme "durable" sans preuve d’usage
- Fonder une allégation sur une intuition ou une déclaration fournisseur
|
Toute présentation visuelle peut être perçue comme une allégation environnementale. |
- Justifier chaque pictogramme, couleur ou image utilisée
- Contextualiser par un texte explicatif ou un lien à proximité
- Limiter les habillages verts à ce qui est réellement démontré
|
- Utiliser des icônes "nature" sans justification
- Nommer une gamme "green" alors que seuls 15 % du produit sont durables
- Employer un fond vert ou une planète sans texte associé
|
Même en cas d’espace réduit, les allégations doivent rester claires et compréhensibles. |
- Utiliser QR code, infobulle ou carousel explicatif
- Formuler les précisions nécessaires directement ou à portée de clic
|
- Employer un slogan flou sans complément accessible
- Créer un décalage entre nom de produit et contenu réel
- Omettre toute info de preuve sur les réseaux ou packaging
|
Les autorités peuvent contrôler, sanctionner ou retirer tout contenu trompeur ou non justifié. |
- Tenir un registre de preuves toujours à jour
- Faire des audits réguliers des contenus publiés
- Mettre en place une veille juridique active
|
- Être incapable de fournir les preuves dans les temps
- Afficher un label sans autorisation officielle
- Présenter une obligation légale comme une promesse marketing
|
Conclusion : une marge de manœuvre en trompe l’oeil
Dans l’attente de la directive Green Claims, beaucoup de marques pensent évoluer en zone grise.
L’absence de cadre spécifique et technique donne l’impression qu’il reste une certaine marge de manœuvre : il suffirait d’éviter les excès ou de rester « dans l’esprit » d’une communication responsable.
Mais cette marge est, en réalité, beaucoup plus étroite qu’il n’y paraît.
Car un socle juridique existe déjà. La directive DPCD permet aux autorités de sanctionner toute allégation jugée trompeuse, imprécise, non prouvée ou mal formulée, même si elle repose sur une intention sincère.
Et ce texte n’est pas théorique : il est déjà mobilisé. En France, la DGCCRF mène des contrôles renforcés, y compris sur les allégations environnementales. En 2024, plus de 21 000 avertissements et 2 300 amendes ont été émis tous secteurs confondus, et l’écoblanchiment figure clairement dans le radar des autorités.
Autrement dit : ce n’est pas parce qu’il n’existe pas encore de règles « positives » que l’on peut se dispenser de rigueur.
Et ce n’est pas parce que l’on ne ment pas, que l’on est conforme.
La DPCD ne se contente pas de cibler les abus manifestes : elle encadre aussi les imprécisions, les raccourcis, les formulations flatteuses mais floues.
Et pour toutes les marques engagées dans une communication plus transparente, elle offre une grille claire et déjà applicable, à condition de la mettre en oeuvre dès aujourd’hui.